dimanche 8 novembre 2015

Modéliser les bilharzioses pour mieux les éradiquer



Les réservoirs d'eau pour l'irrigation
favorisent la contamination.

Les bilharzioses sont des maladies parasitaires endémiques en Afrique tropicale et sub-tropicale. Pour prendre des mesures de lutte efficace à l'échelle de tout un pays, il faut savoir précisément comment ces maladies s'y diffusent. C'est pour répondre à cette question qu'une équipe de l'Institut international d'ingénierie de l'eau et de l'environnement, à Ouagadougou, au Burkina Faso, avec des collègues Suisses, Italiens et Américains a réalisé une modélisation couvrant tout le Burkina Faso. Leurs résultats soulignent en particulier que les retenues d'eau construites pour l'irrigation sont un important facteur de risque, qu'il faudra prendre en compte pour parvenir un jour à l'éradication.

Les bilharzioses sont provoquées chez l'homme par des vers du genre Schistosoma (ce qui leur vaut aussi le nom de schistosomiases). Une personne est contaminée lorsqu'elle est en contact avec de l'eau contenant des formes larvaires du ver nommées cercaires. Celles-ci pénètrent par les pores de la peau, et s'installent dans les vaisseaux sanguins, où elles se développent jusqu'au stade adulte. Les femelles pondent ensuite leurs oeufs dans des capillaires sanguins proches des intestins ou de la rate, en fonction de l'espèce.

Ces oeufs connaissent deux destins bien différents. Une partie d'entre eux créent des lésions des organes, et des réactions du système immunitaire. En bref, ils rendent malade la personne infectée, maladie qui peut aller jusqu'à la mort en l'absence de traitement.

L'autre partie des oeufs sont excrétés par les selles ou l'urine de la personne. Et s'ils arrivent dans de l'eau douce, ils peuvent pénétrer dans un mollusque, du genre Bulinus ou Biomphalaria. Celui-ci est infecté par le premier stade larvaire du schistosome, la miracidie. A l'abri dans le mollusque, les miracidies se développent en cercaires. Lorsque ces dernières sont relâchées dans l'eau, elles sont prêtes à infecter un nouvel hôte humain.

Des traitements médicamenteux existent pour prévenir le développement des schistosomes dans l'organisme. Mais sur les 261 millions de personnes qui en auraient eu besoin dans le monde en 2013, selon l'Organisation mondiale de la santé, un peu plus de 40 millions seulement en ont bénéficié. Au Burkina Faso, des campagnes massives de traitement médicamenteux ont été menées au milieu des années 2000. Mais bien qu'elles ont fortement réduit la prévalence des bilharzioses dans le pays, elles n'ont pas suffit à les éradiquer. Et surtout, dans certaines zones, cette prévalence est aujourd'hui revenue à 30%, son niveau antérieur au traitement.

Pour mieux comprendre quels sont les facteurs importants dans la diffusion de ces maladies parasitaires, les chercheurs ont donc décidé de modéliser, pour la première fois, leur diffusion à l'ensemble du Burkina Faso. Ils ont pour cela représenté le pays sous la forme de 10 592 agglomérations, et ils ont étendu un modèle déjà utilisé sur des zones géographiques restreintes. Celui-ci a la forme d'une série d'équations reliant des variables telles que la population des agglomérations, la mobilité des populations, la répartition spatiale des mollusques Biomphalaria pfeifferi (seule espèce retenue pour cette modélisation) ou encore les densités des différents stades larvaires dans l'eau.

En examinant quels sont les paramètres les plus importants pour expliquer la diffusion du parasite, et la réinfestation de zones où celui-ci est peu ou pas présent, ils se sont aperçu que la présence d'étendues d'eau est déterminante. En effet, celles-ci fournissent un habitat stable au mollusque, dont la présence est indispensable dans la chaîne de contamination. Dans un pays dont le nombre de retenues d'eau, surtout pour l'irrigation, a été multiplié par cinq depuis 60 ans, ce n'est pas anodin.

Les scientifiques font en particulier remarquer que la prévalence est généralement faible dans les zones les plus densément peuplées. Celles-ci correspondent aux zones urbaines, où il n'y a pas de maraîchage, d'agriculture ou de pêche, principales activités au cours desquelles les hommes sont contaminés. Mais elles correspondent aussi aux zones de départ et de destination des flux de déplacement les plus importants.

Ils alertent donc sur le risque de développer des retenues d'eau dans de telles zones. Le rôle de la mobilité humaine dans la réinfestation étant aussi mis en lumière par l'analyse de leur modèle, la conjugaison d'une forte mobilité et de conditions favorables au développement du parasite irait à l'encontre d'une éradication de celui-ci au niveau national.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire