lundi 16 novembre 2015

Archéologie des migrations

Jeudi 12 et vendredi 13 toute la journée, j'ai assisté au colloque Archéologie des migrations organisé par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) au Musée national de l'histoire de l'immigration, à Paris. L'ensemble de ce colloque a été filmé, et les communications seront visible en principe d'ici quelques semaines sur le site web de l'INRAP. J'y reviendrai éventuellement à ce moment là, à propos de trois interventions concernant directement l'Afrique. Mais je veux en dire quand même quelques mots

D'abord, Augustin C. Holl, de l'université Paris-Ouest Nanterre, a présenté une excellente synthèse sur l'expansion bantu. Tout part d'une analyse linguistique, au milieu du XIXe siècle : une bonne partie de la moitié sud de l'Afrique est peuplée par des populations dont les langues appartiennent à la famille bantu (certaines populations du sud de l'Afrique parlent toutefois des langues de la famille khoisan).

L'idée que cette homogénéité linguistique soit due à une migration a été assez rapidement proposée. D'autant que la diffusion des langues bantu était associée à celles de l'agriculture, de la métallurgie et de l'élevage. L'origine de cette migration serait au nord-est de l'aire de répartition des langues bantu. Mais linguistes, historiens et archéologues butaient sur le trajet emprunté et la durée de l'expansion.

En résumé (je vous invite à vous reporter à la video de la communication d'Augustin C. Holl dès qu'elle sera disponible), on sait aujourd'hui deux choses :
- l'expansion des populations bantu a démarré un peu après 4000 avant le présent ;
- elle s'est produite à la faveur d'une disparition progressive de la forêt équatoriale humide, qui a été à son minimum d'expansion il y a 3 300 ans.

Les études menées notamment au Cameroun révèlent les variations des limites de la forêt équatoriale : à l'est du pays, cette forêt que l'on considère souvent comme "primaire" a en fait poussé sur des habitats humains! Ceux des Bantus qui se déplaçaient vers le sud. Une belle invitation à se méfier de ce qui nous semble avoir été là "de tout temps".

Ensuite, et je serai plus bref, Theresa Singleton, de l'université de Syracuse, aux Etats-Unis, a présenté ses travaux sur l'archéologie de l'esclavage transatlantique et de la diaspora africaine. Ou, plus précisément, comme elle le dit elle-même, des migrations forcées de populations africaines, ou originaires de ce continent, vers l'ouest.

Enfin, Krish Seetah de l'université Stanford, aux Etats-Unis, a parlé des débuts de l'archéologie à l'île Maurice. Cette île, comme de nombreuses autres dans l'océan Indien, était dépourvue de population autochtone à l'arrivée des européens, Néerlandais d'abord au XVIIe siècle, puis Français au XVIIIe siècle, enfin Anglais de 1810 à 1968. L'abolition de l'esclavage en 1933 sur l'île entraîna l'arrivée de nombreux travailleurs indiens (dont les conditions de travail n'étaient pas forcément meilleures que celles des esclaves). C'est cette histoire que tente de reconstituer Kris Seetah, avec ses collègues, en fouillant plusieurs constructions et cimetières du XIXe siècle.

Je ne peux pas terminer ce post sans évoquer les attentats de vendredi 13 à Paris. Ils rappellent tristement tous les autres attentats menés par l'Etat Islamique et ses affidés dans le monde entier. Le continent africain n'est hélas pas épargné, bien au contraire. Ils nous montrent que ce qui se passe dans les autres parties du monde nous concerne tous aujourd'hui.Le choc passé (et il y en aura d'autres), cela ne fait que renforcer ma détermination à soutenir le développement de la recherche scientifique et technologique en Afrique. Cela ne saurait suffire. Mais le développement de notre sens critique, le questionnement de nos croyances quelles qu'elles soient, leur réfutation éventuelle : voilà des ingrédients nécessaires pour un monde humain et fraternel.

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